A Brest, la place Saint-Louis est un lieu de mémoire. Certes, son environnement bâti actuel ne le laisse pas deviner immédiatement, mais la destruction complète de la ville en septembre 1944 a conduit les brestois à s’attacher à l’église actuelle, qui a remplacé l’église des Jésuites. Pour venir habiter ce lieu, nous avons choisi d’y construire une allégorie miniature du Finistère… Sur une place entièrement revêtue de granit bleu de Huelgoat, le ring végétal vient déborder, puis finir, interrompu, comme effrangé, dans la perspective de la rue de Lyon : c’est une place haute, construite comme une tribune de lande bretonne portée par de grands arbres de béton blanc, à la surface chahutée de papier plié, dominant une mer de granit bleu. Cette lande se traverse en biais, de la rue Duquesne à la rue de Siam, sur un deck de bois, au tracé naturel, celui qu’on aurait suivi entre les bruyères. Le long du passage, des terrasses de restaurants sont disposées, comme des pontons dans le tapis végétal, où l’on s’assoit pour regarder l’église Saint-Louis. Au cœur du plateau végétal, un œil permet de descendre au niveau bas du bâtiment, puis de continuer son chemin vers la rue de Siam. De cet œil naissent en tourbillonnant deux voiles de verre, qui protègent le cheminement en créant une sorte de rue couverte à deux niveaux. Enfin, épousant la forme d’un balcon de théâtre tourné vers l’église, deux petits immeubles de trois étages, moins hauts que ceux qui bordent l’écrin, dessinent avec le bâti de la rue Algésiras une nouvelle rue des Halles, de plain-pied avec son environnement. Entièrement habillés de cuivre verni, posés comme deux bijoux polis sur un socle de verdure, ils tournent vers le sud-ouest de grands balcons disposés en projection. Le bâtiment assume un caractère résolument original, mais son rapport à l’espace public reste volontairement conventionnel. Il s’inscrit naturellement dans le plan urbain établi à la reconstruction par l’architecte Jean-Baptiste Mathon. Dans le dialogue qui s’instaure entre l’église et la place haute, tribune de lande bretonne portée par ses arbres de béton, il apparaît nécessaire de ne pas ajouter une troisième voix, et de traiter la place comme un « terrain neutre ». L’ensemble des zones piétonnes sont simplement couvertes avec un granit bleu de Huelgoat. Le long de l’église, une terrasse plantée est aménagée, dans l’esprit de celle qui existe actuellement : légèrement surélevée, elle forme une banquette tournée vers la place haute, permettant aux passants de s’y asseoir. Elle installe donc les deux bâtiments de la place dans un jeu de regards réciproques. Ce projet a été réalisé en partenariat avec l’architecte Michèle Lacroix.
fermer